Le plan
Simoun ou la mobilisation anticip�e des conscrits europ�ens
d�Alg�rie en juin 1962
The Simoun plan or early mobilization of European conscripts of Algeria
in June 1962
Soraya Laribi
p. 98-107
R�sum� | Index | Plan | Texte | Notes | Citation | Auteur
R�sum�
Fran�aisEnglish. Le plan Simoun est le nom de code militaire d�une
op�ration destin�e � transf�rer les jeunes
europ�ens d�Alger et d�Oran en m�tropole et en
Allemagne afin qu�ils y effectuent leur service militaire. Il s�inscrit
dans la m�me logique que les trois fractions du contingent pr�c�dent,
dites 1962/1 A, 1962/1 B et 1962/1 C, respectivement mobilis�es
les 1er janvier, 1er mars et 1er mai 1962 et envoy�es, elles aussi,
en m�tropole. Cependant, il s�en distingue par l�appel
anticip�. En effet, les jeunes FSE (Fran�ais de souche europ�enne)
d�Alger et d�Oran ont �t� mobilis�s en
juin, un mois avant l�appel de la fraction du second contingent,
dite 1962/2 A, dont l�incorporation �tait normalement pr�vue
pour le 1er juillet selon le d�cret, n� 61-1291 du 29 novembre
1961. Mais aussi, par le recrutement � l��ge de 19 ans,
en raison de l�alignement des �ges d�incorporation sur
ceux de la m�tropole et par la r�siliation de nombreux sursis.
Ces mesures extraordinaires sont impos�es, le 17 mai 1962, par
l�ordonnance n� 62-574 du ministre des Arm�es Pierre Messmer.
The Simoun plan or early mobilization of European conscripts
of Algeria in June 1962
The plan Simoun is the military code name for an operation to transfer
young Europeans of Algiers and Oran to the mainland France and to Germany
so they could do their military service. It is part of the same thinking
as the three fractions of the preceding contingent, say 1962/1 A, 1962/1
B and 1962/1 C, mobilized respectively on 1 January, 1 March and 1 May
1962 and sent, also, to the mainland France. In effect, the young FSE
(French of European roots) of Algiers and Oran were mobilized in June,
a month before the call-up of a fraction of the second contingent, known
as 1962/2 A, whose incorporation was normally scheduled for July 1, according
to the decree No. 61-1291 of 29 November 1961. But also, by the recruitment
age of 19, due to the alignment of the ages of induction for those in
the mainland France and the cancellation of many extensions. These extraordinary
measures were imposed, May 17, 1962, by Ordinance No. 62-574 of the Minister
of the Armies Pierre Messmer.
Entr�es d'index
Mots-cl�s :conscription, guerre d�Alg�rie, OAS
Plan
Le plan Simoun, une incorporation strat�gique
La jeunesse fran�aise de souche europ�enne d�Alg�rie,
objet d�une mobilisation anticip�e
Alger et Oran, bastions de l�OAS, cibles du plan Simoun
Le plan Simoun en accusation
Une incorporation d�licate
Des appel�s anticip�s � amadouer
Un accueil rigoureusement pr�par�
Un transfert outre-mer h�tif
Une incorporation autoritaire
Une incorporation anticip�e fructueuse
Une mobilisation obligatoire
Un symbole du non-retour ?
Texte int�gral
Signaler ce document1 Lib�ration, 12-13 mai 1962, p. 3.
1. � Rien de grand, rien d�important ne peut �tre
fait si l�ordre public n�est pas maintenu �, affirme
le haut-commissaire de la R�publique en Alg�rie Christian
Fouchet dont l�objectif est de maintenir les accords d��vian
1. De fait, le 19 mars 1962, le cessez-le-feu est proclam� �
midi en Alg�rie. Les n�gociations politiques avec le Front
de lib�ration nationale (FLN) ont abouti. Il convient, d�s
lors, de favoriser leur application vivement rejet�e par l�Organisation
arm�e secr�te (OAS) qui intensifie ses attentats. C�est
la probl�matique majeure de la p�riode de transition qui
s��tend du cessez-le-feu au 1er juillet, date du r�f�rendum
sur l�autod�termination pr�vu en Alg�rie. Christian
Fouchet d�cide de lutter contre l�OAS avec une nouvelle strat�gie
: fragiliser de l�int�rieur l�organisation, en visant
directement ses adh�rents. Trois groupes distincts de la population
fran�aise de souche europ�enned�Alg�rie sont
vis�s par sa politique impuls�e, � partir de la cit�
administrative de Rocher noir, en accord avec l�Ex�cutif provisoire
dirig� par Abderrahmane Far�s. C�est dans cette dynamique
que s�inscrit le plan Simoun, une mobilisation anticip�e des
conscrits europ�ens d�Alger et d�Oran, �g�s
de 19 ans.
Le plan Simoun, une incorporation
strat�gique
La jeunesse fran�aise de souche europ�enne
d�Alg�rie, objet d�une mobilisation anticip�e
2. Le 3 mai
1962, une inspection surprise de Christian Fouchet, en compagnie du commandant
sup�rieur des forces arm�es d�Alg�rie, le g�n�ral
Michel Fourquet, � Oran, a pour r�sultat l��mission
de six mesures de r�affirmation de l�autorit�. Adopt�es
le 11 mai, elles sont �nonc�es le 13 mai, jour du quatri�me
anniversaire de la prise de pouvoir de 1958. � travers une enqu�te
intitul�e : � Les trois visages de l�OAS en Alg�rie
� 2, l�envoy� sp�cial du journal Le Monde, Alain
Jacob, signale que les �tats-majors, responsables et dirigeants
de l�OAS ne sont pas directement vis�s par cette � op�ration
Fouchet �. En effet, en inaugurant ce processus, les autorit�s
d�cident d�sormais d�annihiler l�organisation,
en personnalisant son action, en la canalisant au sein des structures
de la soci�t� europ�enne, soup�onn�es
d�adh�rer � l�OAS : les notables, la police et
la jeunesse 3.
2 Le Monde, 24 mai 1962, p. 5.
3 Nous reprenons la th�se du journaliste Jean-Claude Vajou, Combat,
12-13 mai 1962, p. 1.
4 Les quatre autres mesures de l�� op�ration Fouchet
�annoncent, notamment, la pr�sence de gendarmes(...)
3. Le gouvernement
a la volont� de r�duire l�OAS par des moyens fran�ais.
La situation est tendue car l��chec de l��op�ration
Fouchet� remettrait en question l�Ex�cutif provisoire
et inciterait le FLN � demander la pr�sence de forces militaires
neutres, telles que celles de l�ONU, provoquant l�exasp�ration
de la minorit� europ�enne et son int�gration dans
les rangs de l�OAS. L�attention de Christian Fouchet se concentre,
donc, sur la jeunesse. De fait, parmi les six mesures de fermet�,
figurent : la dissolution de l�Association g�n�rale
des �tudiants alg�riens(AGEA) et l�appel sous les drapeaux
des jeunes Fran�ais de souche europ�enne (FSE) de 19 ans
4.
5 Ce d�cret concerne la composition, les dates
d�appel et les obligations d�activit� des premier et(...)
6 Verd�s-Leroux (J.), Les Fran�ais d�Alg�rie
de 1830 � aujourd�hui. Une page d�histoire d�chir�e,
Pa(...)
4.Les archives
militaires attestent que l�incorporation des FSE en m�tropole
a d�j� �t� accord�e par le ministre
des Arm�es, Pierre Messmer, le 4 d�cembre 1961. Dans cette
logique, les fractions du premier contingent 1962/1 A, 1962/1 B et 1962/1
C ont �t� respectivement mobilis�es le 1er janvier,
le 1er mars et le 1er mai 1962, selon le deuxi�me article du d�cret
no 61-1291 du 29 novembre 1961 5, et envoy�es en m�tropole,
les �loignant de l�activisme de l�OAS. Fort de cet exemple
fructueux, Christian Fouchet compte poursuivre cette mesure par un appel
anticip� des jeunes FSE d�Alg�rie, en juin. C�est
une mesure exceptionnelle car, selon ce m�me d�cret, la fraction
du prochain contingent, dite 1962/2 A, doit �tre normalement mobilis�e
en juillet. D�o� l�id�e � d�appel anticip�
�. Christian Fouchet demande donc l��mission d�une
ordonnance. Cette derni�re doit lui permettre d�incorporer,
en juin, les jeunes FSE, �g�s au minimum de 19 ans, qui n�auraient
pas effectu� leur service militaire, y compris ceux qui b�n�ficient
d�un sursis pour terminer leurs �tudes. En r�alit�,
l�int�r�t du haut-commissaire pour cette cat�gorie
provient d�un constat : la forte proportion de jeunes FSE adh�rant
� l�OAS. Prenant pour exemple l�arrestation le 9 mai,
de quatre �tudiants �g�s de 20 � 23 ans, auteurs
d�un attentat � Alger, il d�nonce la criminalit�
juv�nile. Certes, la jeunesse repr�sente une fraction importante
de l�OAS. Elle est employ�e pour la distribution de tracts,
le transport d�armes. � plus forte mesure, elle s�adonne
� des attentats ou � un terrorisme raciste envers les musulmans
: les ratonnades 6.
7 Monneret (J.), La phase finale de la guerre d�Alg�rie,
Paris, L�Harmattan, p. 19.
8 Ibid., p. 118.
5. Cependant,
le constat de Christian Fouchet doit �tre nuanc�. Un revirement
d�opinion s�op�re d�s le mois de f�vrier
1962. Une partie de la population FSE a d�savou� l�OAS
� la suite de l�attentat � l�encontre du ministre
de la Culture Andr� Malraux, le 7 f�vrier. De surcro�t,
l�incarc�ration des principaux responsables de l�organisation,
revers fracassant, annihile l�espoir de conserver l�Alg�rie
fran�aise. Enfin, depuis le r�f�rendum du 8 avril,
qui approuve � 90,7 % la politique alg�rienne du g�n�ral
de Gaulle, l�OAS s�adonne � une� strat�gie
de la tension � 7, avec la volont� de provoquer des attentats
urbains auxquels les FSE sont directement expos�s. En ce printemps
1962, les jeunes FSE sont donc autant les cibles de l�OAS que celles
du FLN. En effet, r�pondant � l�activisme OAS, le FLN
effectue des enl�vements d�Europ�ens. � Alger,
les enl�vements sont pass�s de 44 en avril � 276
en mai 8. La protection des FSE est donc, une motivation qui explique
en grande partie leur envoi outre-mer, loin des deux derniers bastions
de l�OAS : Alger et Oran.
Alger et Oran, bastions de l�OAS,
cibles du plan Simoun
6.La mobilisation
anticip�e s�adresse aux jeunes FSE r�sidant �
Alger et � Oran, car l�emprise de l�OAS y est importante.
Les activistes optent, alors, pour la strat�gie de � la terre
br�l�e �, derni�re tentative d�action directe,
d�s le mois de mai. Ainsi, � Oran, le g�n�ral
Paul Gardy, dirigeant de l�OAS depuis l�arrestation d�Edmond
Jouhaud, compte cr�er � un r�duit oranais �,
dans lequel tous les Europ�ens se regrouperaient. Il pr�ne
la partition de la ville et harc�le, � cette fin, autant
le FLN que les forces de l�ordre fran�aises 9.
9 Duranton-Cabrol (A. M.), Le Temps de l�OAS, Bruxelles,
�ditions Complexe, p. 216.
7. Tandis
qu�� Alger, un attentat � l�encontre de dockers
musulmans venus � l�embauche, le 2 mai, est un tournant dans
l�action du FLN. Au cours d�une r�union, il affirme que
� les moyens d�cisifs � devront �tre employ�s
contre l�OAS. Le commandant Azzedine, chef de la wilaya 4, se r�sout
� riposter ouvertement. Le 14 mai, ses feddayins mitraillent simultan�ment
37 caf�s ou restaurants � fr�quent�s par les
tueurs de l�OAS et leurs sympathisants �. Le lendemain, l�OAS
tue en repr�sailles 64 musulmans. Le commandant Azzedine revendique
publiquement ses actes et menace de les renouveler si Christian Fouchet
et l�Ex�cutif provisoire n�appliquent pas les mesures
pour le respect du cessez-le-feu � Alger. Trois jours plus tard,
l�appel anticip� est ordonn�.
10 La D�p�che d�Alg�rie, 17 mai
1962, p. 1.
11 Journal officiel de la R�publique fran�aise, 18 mai 1962,
p. 4869-4870.
8Une ordonnance
est donc �mise le 17 mai 10. Elle valide l�incorporation anticip�e
des jeunes �g�s de 19 ans et des sursitaires, en m�tropole
et en Allemagne 11. Le premier article stipule que l�appel concerne
les � Alg�riens recens�s en Alg�rie �.
Cette affirmation est une source d�ambigu�t� car elle
implique autant la mobilisation des FSE que des Fran�ais de souche
nord-africaine (FSNA). De m�me, aucune ville en particulier n�est
cit�e, ce qui laisse le choix � la discr�tion du
haut-commissaire, tel que le mentionne le deuxi�me article de l�ordonnance.
Pourtant, paradoxalement, dans l�article du journal Lib�ration
du 12 mai, les villes d�Alger et d�Oran sont les cibles, clairement
mentionn�es, de la mobilisation anticip�e. L�ordonnance
est donc peu claire et g�n�re une certaine ambigu�t�
qui annonce des malentendus au sein de la population FSE.
12 T�moignage de monsieur Ren� Mancho. Ceci
est un extrait de son blog : http://oran1954.over-blog.co(...)
13 T�moignage de monsieur Bernard Venis. Ceci est un extrait de
son blog : www.alger-roi.net
9.Cette mobilisation
anticip�e prend le nom de code militaire � Simoun �.
Ce terme qualifie un vent chaud et violent du d�sert d�Arabie,
soufflant sur les c�tes orientales de la M�diterran�e.
Cette appellation laisse songeurs les appel�s anticip�s
auxquels nous avons demand� la raison de ce choix : � Le
simoun est un vent chaud du d�sert alors pourquoi cette appellation
(�). Peut-�tre �tions-nous des grains de sable que l�che
ce vent, mais pour moi le vent chaud s�est transform� en bise
hivernale � 12, �nonce un t�moin, envoy� en
Savoie. Tandis qu�un autre t�moin incorpor� �
Vannes affirme : � C�est un vent chaud qui noie et balaie tout
sur son passage. Est-ce que nous avons �t� balay�s,
chass�s ? � 13
10.
Le plan Simoun se subdivise donc en deux afin d�encadrer au mieux
la jeunesse europ�enne des deux villes. D�une part, le plan
Simoun I s�adresse � la jeunesse d�Alger. D�autre
part, le plan Simoun II vise la jeunesse d�Oran. Cependant, la r�siliation
des sursis ainsi que l�anticipation du service militaire, impos�es
par l�ordonnance, suscitent des critiques.
Le plan Simoun en accusation
11.En effet,
l�Union nationale des �tudiants de France(UNEF) s��l�ve
aussit�t contre l�incorporation anticip�e. De fait,
les jeunes gens incorpor�s ne pourront pas se pr�senter
aux examens 14. En outre, dans une �mission pirate, le 22 mai,
l�OAS conteste l�appel sous les drapeaux des jeunes FSE. Elle
ordonne � la population de les cacher et aux fonctionnaires de
saboter le plan 15. Dans l��mission du 2 juin, elle compare
le plan Simoun au service du travail obligatoire (STO) et assimile Christian
Fouchet au Gauleiter Fritz Sauckel 16. Certes, le STO �tait effectu�
en Allemagne � titre de substitut du service militaire et des sursis
furent supprim�s. N�anmoins, le rapprochement, voire l�amalgame,
entre ces deux concepts est injustifi� car l�appel anticip�
�tait �galement destin� � prot�ger
ces jeunes.
14 Le Monde, 27-28 mai 1962, p. 3.
15 SHD/GR, 1 H 1736, dossier 2, �mission pirate de l�OAS,
diffus�e entre 19h40 et 19h58, le 22 mai 1(...)
16 SHD/GR, 1 H 1736, dossier 2, �mission pirate de l�OAS,
diffus�e entre 19h56 et 20h15, le 2 juin 19(...)
17 Journal officiel de la R�publique fran�aise, 3 juillet
1962, p. 2179.
18 Le Monde, 6 juin 1962, p. 2.
12. Enfin,
� la veille du plan Simoun, un d�put� de Batna d�nonce
�galement cette cinqui�me mesure de l�� op�ration
Fouchet �. Le g�n�ral Dominique Marie Renucci, choisit
d�effectuer le rapport d�un t�l�gramme d�un
�lecteur, le 5 juin 17. Il affirme que cet appel anticip�
va � l�encontre de l�article 3 du chapitre IX des accords
d��vian sur la protection des droits et des libert�s
des citoyens alg�riens de statut civil ou de droit commun qui signale
que : � (�) les Alg�riens de statut civil de droit commun
seront, pendant cinq ans, dispens�s de service militaire �.
Il insiste �galement sur les r�percussions psychologiques
que pourraient avoir l�envoi des appel�s outre-mer 18. Cependant,
le plan Simoun commence deux jours plus tard, le 7 juin.
Une incorporation d�licate
Des appel�s anticip�s � amadouer
13. L�ordonnance
a �t� d�ment m�dit�e et a �t�
l�objet d�une �troite correspondance entre Christian
Fouchet et le g�n�ral Michel Fourquet. L�objectif �tait
d��viter des d�sertions et d�incorporer un grand
nombre de jeunes FSE, d�Alger et d�Oran. � cette fin,
le g�n�ral Michel Fourquet a propos� � Christian
Fouchet d�aligner les �ges d�incorporation d�Alg�rie
sur ceux de la m�tropole 19. C�est pourquoi, l�id�e
d�une mobilisation � l��ge de 19 ans a provoqu�
autant de remous. De fait, il existe un d�calage entre les classes
creuses en France, li�es � une f�condit� en
chute et les classes trop importantes en Alg�rie, en vertu de la
mobilisation des FSNA. Ils sont, donc, mobilis�s � 20 ans
en m�tropole, tandis qu�en Alg�rie, ils sont incorpor�s
� l��ge de 21 ans.
19 SHD/GR, 1 H 1385, 10 mai 1962.
14. L�ordonnance
impose �galement la r�siliation des sursis. En effet, c�est
le g�n�ral Michel Fourquet qui a propos� cette seconde
mesure, compl�tant l�alignement des �ges d�incorporation.
N�anmoins, afin de ne pas provoquer le m�contentement des
jeunes FSE, il pr�voit, non seulement, de supprimer les sursis
de tous les partisans de l�OAS arr�t�s ; mais aussi,
de multiplier les contr�les de la police, dans les villes d�Oran
et d�Alger, d�en garder � chaque fois une fraction et
de les interner administrativement. Ceux qui se r�v�leraient
�tre en sursis seraient mobilis�s. Enfin, outre les r�siliations
de sursis, le g�n�ral Michel Fourquet annonce que les sursitaires,
qui renonceront � leur sursis avant le 15 septembre ou dont le
sursis arrivera � expiration avant le 1er novembre ainsi que ceux
dont le sursis n�aura pas �t� renouvel� au titre
de l�ann�e scolaire 1962-1963, seront incorpor�s. En
somme, l�effectif susceptible d��tre appel� et
de 19 500 jeunes, comprenant 11 000 FSE, jusqu�� l��ge
de 18 ans et cinq mois, 7 000 FSE sursitaires et 1 500 FSE en report d�incorporation.
20 SHD/GR, 1 H 1385, 26 mai 1962.
15. En r�alit�,
entre le 10 mai, date de r�daction de la note de service du g�n�ral
Michel Fourquet � Christian Fouchet et l��mission de
l�ordonnance du 17 mai, le nombre a �t� r�duit.
In fine, 6 000 FSE, toutes cat�gories comprises, habitant Alger
et Oran, sont vis�s. Par ailleurs, bien que l�incorporation
s�adresse � tous les jeunes �g�s de 19 ans r�sidant
au sein des villes d�Alger et d�Oran, on constate des exceptions.
D�s la parution de l�ordonnance, certains jeunes aux cas particuliers
se sont pr�sent�s spontan�ment aux centres d�instruction
demandant le maintien de leurs sursis ou le report d�incorporation.
Le g�n�ral Michel Fourquet s�engage � �tudier
lui-m�me chacun des cas sans d�l�guer le pouvoir de
d�cision 20. Cette initiative refl�te donc, de nouveau,
le d�sir de ne pas susciter de m�contentement, voire la
r�bellion des jeunes FSE. C�est pourquoi, les conditions mat�rielles
destin�es � am�liorer le moral des jeunes FSE, empreints
d�amertume par la r�siliation des sursis et l�appel anticip�,
doivent aussi �tre valoris�es.
Un accueil rigoureusement pr�par�
16. Les recrues
doivent �tre correctement accueillies. Cette id�e est constante
au sein des archives concernant le plan Simoun 21. C�est pourquoi,
les autorit�s militaires se fondent sur les comptes rendus des
pr�c�dentes incorporations outre-mer.Le g�n�ral
Michel Fourquet cible le personnel et les cadres charg�s du plan
Simoun. Il signale que les g�n�raux commandant les r�gions
territoriales et les corps d�arm�e d�Alger et d�Oran
doivent mettre chacun sur pied un centre de rassemblement charg�
de l�accueil des recrues, puis de leur mise en condition et de leur
embarquement. Le personnel, responsable de l�accueil des recrues,
doit �tre compos� pour chaque ville, d�un officier sup�rieur,
chef de centre, second� par deux adjoints charg�s des questions
administratives. � ceux-ci doivent s�ajouter, un secr�tariat
�toff� comprenant des secr�taires et des dactylos,
ainsi qu�une �quipe m�dicale compos�e de plusieurs
m�decins et infirmi�res. De m�me qu�une antenne
de recrutement, compos�e d�un officier et de plusieurs sous-officiers
et secr�taires.
21 SHD/GR, 1 H 1385, 24 mai 1962.
22 SHD/GR, 1 H 1385, 24 mai 1962.
17.Charg�s
d�accompagner les jeunes incorpor�s en m�tropole et
de porter les pi�ces matricules, les documents concernant leur
transport, les cadres de conduite sont d�finis de la mani�re
suivante par le g�n�ral Michel Fourquet : un officier d�active
dirigera 200 recrues. En outre, un sous-lieutenant s�occupera de
50 recrues. Enfin, un sous-officier sera � la t�te de 20
recrues. Ces derniers doivent se pr�senter la veille du jour de
leur prise de service � huit heures. Sous la conduite du service
g�n�ral de centre, ils devront consacrer la journ�e
aux reconnaissances n�cessaires � l�ex�cution
des services de r�ception et d�accueil qui seront assur�s
le lendemain. Ainsi, la pr�paration rigoureuse du plan Simoun refl�te
de nouveau la volont� des autorit�s militaires de r�ussir
l�accueil et l�envoi outre-mer des jeunes FSE 22.
23 SHD/GR, 1 H 1385, 2 juin 1962.
24 Pieds-noirs magazine, n� 21, d�cembre 1991, Pons (Cagnes),
p. 32.
25 SHD/GR, 1 H 1385, 1er juin 1962.
26 SHD/GR, 1 H 1385, 30 mai 1962.
18. Le plan
Simoun doit se d�rouler du 7 juin jusqu�au 16 juin inclus
pour la ville d�Alger et du 7 juin au 13 juin inclus pour la ville
d�Oran 23. D�s le 1er juin, les g�n�raux commandant
les r�gions territoriales d�Alger et d�Oran ont d�termin�
les centres de rassemblement, destin�s � accueillir les
jeunes recrues, au sein de leurs villes respectives. En effet, objets
du plan Simoun I, les jeunes FSE d�Alger vont �tre accueillis
au camp du Lido et embarquer � l�a�rodrome militaire
de Maison Blanche 24, leur transport �tant effectu� par
voie a�rienne. Leur d�barquement est pr�vu dans les
a�rodromes militaires du Bourget et de Strasbourg. Tandis que les
recrues d�Oran, cibles du plan Simoun II, devront se pr�senter
au centre de rassemblement d�Eckm�hl. Elles sont destin�es
� embarquer � l�a�rodrome militaire de la S�nia
et � d�barquer � Istres 25. Les FSE n�s entre
le 1er avril 1942 et le 30 avril 1943 domicili�s et r�sidant
dans les communes d�Alger et d�Oran et les sursitaires n�s
entre le 1er mai 1935 et le 30 avril 1943 r�sidant dans les m�mes
communes, soit environ 6 000 jeunes, sont convoqu�s 26.
27 SHD/GR, 1 H 1385, 24 mai 1962.
28 Le Monde, 23 mai 1962, p. 7.
19.Les recrues
sont mobilis�es par ordre d�appel individuel �tabli
et post� par le service du recrutement. Simultan�ment, un
communiqu� indiquant pour chaque tranche d�appel les lieux
et les dates de convocation est diffus� par voie de presse et de
radio le premier jour de l�appel, et r�p�t�
pour chaque tranche, la veille du jour de convocation 27. Cependant, les
bureaux de recrutement militaire des deux villes connaissent des difficult�s
d�ordre technique pour envoyer les convocations � chacun des
jeunes FSE appel�s sous les drapeaux. Les autorit�s n�h�sitent
pas � utiliser la t�l�vision, ce qui �tonne
l�envoy� sp�cial du journal Le Monde, Alain Jacob :�
Ce mode d�appel insolite a �t� d�cid�
par l�autorit� militaire en raison des perturbations que conna�t
actuellement le service des postes dans les deux villes et sans doute
parce que les gendarmes ont d�autres t�ches � remplir.
� 28 Le communiqu� est diffus� sur France V. Ces initiatives
d�montrent encore le v�u des autorit�s fran�aises
d�incorporer le maximum de jeunes FSE et d��viter leur
adh�sion � l�OAS en les �loignant de l�Alg�rie.
Un transfert outre-mer h�tif
20.Rigoureusement
pr�par�, le plan Simoun est en outre op�r�
promptement, car la situation dans les deux villes est tendue et le d�part
est difficile, tel que le signale un t�moin : � Mes parents
m�accompagnent : ce sont nos derni�res paroles, nos derniers
sourires, nos derni�res embrassades sur ce sol d�Alg�rie.
C�est la premi�re fois que je quitte ma famille sans savoir
si on se reverra. Je pars, eux restent encore� et l�in�luctable
fait sentir sa pr�sence. Je souris mais le c�ur n�y est
pas. Je laisse vingt ans de ma vie sur le sol, tous les membres de ma
famille, mon quartier, une r�elle douceur de vivre, que je n�ai
plus retrouv�e � l�identique, tous mes rep�res.
� l��poque pas de cellule d�accompagnement ! �
29
29 T�moignage de monsieur Bernard Venis, op.cit.
30 SHD/GR, 1 H 1385, 27 juin 1962.
31 SHD/GR, 1 H 2709, 19 juin 1962.
21. Aux centres
de rassemblement, du Lido et d�Eckm�hl, o� les recrues
d�Alger et d�Oran, sont respectivement attendues, les formalit�s
sont, en effet, exp�di�es et ce constamment dans la double
logique d��vacuer rapidement les jeunes Europ�ens et
d��viter leur insatisfaction. L�organisation des centres
comporte un service de r�ception et d�accueil fonctionnant,
d�une part � la gare routi�re, d�autre part aux
centres d�instruction des deux villes, ainsi qu�une cha�ne
de mise en condition destin�e � pr�parer les jeunes
FSE � embarquer. Cette derni�re comprend une antenne de
recrutement, un service g�n�ral et une antenne m�dicale
30. Ainsi, d�s leur arriv�e les recrues se rassemblent pour
�couter l�allocution du chef de centre 31, leur pr�sentant
les diff�rentes �tapes de l�incorporation et leur recommandant
une parfaite tenue.
32 SHD/GR, 1 H 2709, 19 juin 1962.
33 Ibid., 27 juin 1962.
22.Par groupe
de 20 recrues en tenue civile, ils sont pris en charge par les cadres
d�sign�s pour les accompagner jusqu�au lieu de destination.
Les jeunes recrues passent successivement devant un service de fouille,
puis devant l�antenne de recrutement et, enfin, au secr�tariat.
Ce dernier est organis� en deux ateliers, un par destination, Strasbourg
et Le Bourget d�une part, Istres d�autre part. Il proc�de
imm�diatement � l�enregistrement des renseignements
sommaires concernant chaque recrue et � des listes nominatives
destin�es aux cadres 32. Ensuite, les jeunes FSE passent une visite
m�dicale. Les inaptes m�dicaux sont renvoy�s chez
eux, apr�s avoir �t� point�s, avec une attestation
r�gulant provisoirement leur situation. Durant leur s�jour
dans les centres, les recrues d�jeunent sur place. Ils assistent
� une pr�sentation de mat�riels blind�s ainsi
qu�� une s�ance de cin�ma r�cr�atif
avant leur d�part 33.
23.Pendant
les quatre premiers jours, les moyens de transport a�riens pr�sents
ont permis d�embarquer environ deux tiers des incorpor�s.
� partir du 11 juin, gr�ce � une augmentation des
moyens de transports et au report dans l�apr�s-midi des horaires
de d�part, la totalit� des recrues a �t� dirig�e
en m�tropole, le jour m�me. Un t�moin, a embarqu�
dans un DC-6, un quadrimoteur de la Swissair et un autre a embarqu�
sur un porte-avions l�ger, le Lafayette. De nouveau, la diversit�
des moyens de transports employ�s par les autorit�s militaires
pour faciliter le d�part des jeunes FSE r�v�le la
volont� de les �loigner au plus vite.
34 SHD/GR, 1 H 1385, 30 mai 1962.
35 T�moignage de monsieur Gilbert-Ange Caramante extrait du site
suivant : www.cerclealgerianiste.ass(...)
24.L�arriv�e
des jeunes FSE en m�tropole s�articule autour de trois temps
forts 34. Le premier temps est l�incorporation. L�affectation
des recrues est prononc�e � leur arriv�e en m�tropole.
Chaque jour, les FSE sont ainsi r�partis : 80 % au sein de l�arm�e
de Terre, 15 % � l�arm�e de l�Air, et 5 % dans
la Marine nationale. Ainsi, un t�moin, brevet� parachutiste,
a �t� affect� au 7e bataillon de chasseurs alpins
� Bourg-Saint-Maurice en Savoie. Situ� � 50 kilom�tres
d�Albertville, ce bataillon fait partie de la 27e brigade d�infanterie
de montagne : � Alors l�hiver 1962-1963, pour quelqu�un
qui n�avait pratiquement jamais vu la neige et des temp�ratures
tr�s froides, cela forge le moral. � Un autre t�moin
a, pour sa part, �t� incorpor� au 10e r�giment
d�artillerie anti-a�rien, dans la ville de Vannes. Enfin,
un t�moin a �t� envoy� � Lure au 54e
r�giment d�artillerie 35.
25.
D�s leur arriv�e, les recrues sont imm�diatement
rattach�es � la fraction du contingent 1962/2 A incorpor�e
d�s le 1er juillet. Ils passent ensuite une visite m�dicale,
normalement pr�vue, � toute incorporation. C�est pour
eux, la seconde visite, la premi�re ayant eu lieu en Alg�rie.
Le second temps est celui de la s�lection. Un � tri �
est effectu� dans l�objectif de faciliter le troisi�me
temps, qui est celui de l�instruction. Ces derniers re�oivent
la formation �l�mentaire du combattant en m�me temps
que la fraction du contingent 1962/2 A. D�s l�incorporation
de cette fraction, les recrues originaires d�Alg�rie sont
associ�es � celles du contingent m�tropolitain. En
attendant le d�but de l�instruction, une formation sommaire
pr�paratoire � la formation commune de base et orient�e
essentiellement sur l��ducation physique militaire, la marche,
l�armement et le tir, est dispens�e. Alors que, le service
militaire des jeunes FSE d�Alger et d�Oran �g�s
de 19 ans transf�r�s en m�tropole ou en Allemagne
commence, le plan Simoun s�ach�ve.
Une incorporation autoritaire
Une incorporation anticip�e fructueuse
26.Ainsi que
l�atteste la presse, les recrues sont arriv�es � destination
aux dates pr�vues, sans retard. La D�p�che d�Alg�rie
dat�e du 8 juin titre : � 400 jeunes alg�rois "mobilis�s
anticip�s" ont "rejoint". Ils seront achemin�s
aujourd�hui sur la m�tropole et surtout en Allemagne. �
36 Le bilan num�rique effectu� par le g�n�ral
Michel Fourquet semble satisfaisant. Ainsi, pour le Grand Alger, sur 2
672 jeunes europ�ens convoqu�s : 1 428 se sont pr�sent�s,
soit un pourcentage de 53,4 %. Tandis que pour la ville d�Oran, sur
1 350 FSE convoqu�s : 1 002 se sont pr�sent�s, soit
74,2 %. Par cons�quent, au total, pour les op�rations Simoun
I et Simoun II sur 4 022 recrues convoqu�es, 2 430 se sont effectivement
pr�sent�es, soit 60,7 %, dont 50 furent d�clar�s
inaptes. 2 313 au total furent incorpor�s en m�tropole,
tandis que 67 jeunes europ�ens d�Oran furent dirig�s
vers Mers el-K�bir 37. L��tude des statistiques ainsi
que le ton all�gre des autorit�s militaires permettent d�observer
que leurs esp�rances ont �t� combl�es.
36 La D�p�che d�Alg�rie, 8 juin
1962, p. 1.
37 SHD/GR, 1 H 1385, 2 juillet 1962.
38 Nous avons effectu� le calcul suivant : 2 313 (recrues incorpor�es
en m�tropole) + 67 (recrues dir(...)
39 SHD/GR, 1 H 1385, 2 juin 1962.
40 T�moignage de monsieur Ren� Mancho.
27. Cependant,
il faut nuancer la r�ussite du plan Simoun. En effet, �
l�origine, les autorit�s militaires comptaient envoyer 6 000
jeunes outre-mer donc un nombre beaucoup plus important que le r�sultat
obtenu, soit 2 380 38. De plus, le graphique propos� par le g�n�ral
Michel Fourquet, d�montre qu�aucune cat�gorie de jeunes
ne s�est pr�sent�e en totalit�. Nombreux sont
les FSE qui ne sont pas venus spontan�ment le jour de leur convocation
aux centres d�instruction. La preuve �tant que, normalement
le plan Simoun I, concernant la ville d�Alger, devait s��chelonner
du 7 au 16 juin et le plan Simoun II, visant la ville d�Oran, devait
s��tendre du 7 au 13 juin 39. Or, plusieurs recrues ont �t�
mobilis�es apr�s le 16 juin, avec quelques jours de retard,
comme un t�moin envoy� en m�tropole, le 21 juin 40.
28.En
r�alit�, la satisfaction des autorit�s militaires
peut �tre, en partie, expliqu�e par la situation m�me
des deux villes concern�es par l�appel anticip�. Les
jeunes FSE mobilis�s demeurent loin des attentats de l�OAS.
Effectivement, le 7 juin, premier jour du plan Simoun, correspond au pont
culminant de la strat�gie de la � terre br�l�e
� de l�OAS. � Alger, la Biblioth�que nationale
est incendi�e, dix �coles sont plastiqu�es de m�me
que le march� ouvert de Bab el-Oued entre autres. � Oran,
ce sont la mairie, la biblioth�que municipale et trois �coles
qui sont les cibles d�attentats de l�OAS. C�est pourquoi,
les autorit�s militaires affirment que les appel�s du plan
Simoun ont �t� envoy�s loin de ces deux villes avec
succ�s. Certes, aucun incident n�a �t� not�.
Le bon fonctionnement du transfert des jeunes FSE outre-mer est d�
au personnel dont l�attitude est lou�e par le chef du centre
de rassemblement d�Alger, notamment. Il �tait indispensable
que les cadres se pr�sentent d�une fa�on parfaite devant
les jeunes recrues. Un devoir d�ment impos� aux autorit�s
militaires et qui a permis la concr�tisation, sans probl�me
majeur, du plan Simoun.
41 SHD/GR, 1 H 1385, 7 juin 1962.
42 SHD/GR, 1 H 1385, 22 juin 1962.
29. Finalement,
seules quelques difficult�s sont � noter. D�une part,
une modification du plan de transport. En effet, pour permettre une meilleure
r�partition des recrues entre les r�gions militaires de
m�tropole, le lieu de d�barquement des jeunes recrues d�Alger
a �t� en partie modifi�. Il reste sans changement
du 7 au 13 juin inclus. En revanche, les recrues convoqu�es �
partir du 14 juin ont d�barqu� � l�a�rodrome
militaire d�Istres, o� elles ont �t� r�parties
entre les 5e, 6e, 7e, 8e, et 9e r�gions militaires 41. Par ailleurs,
des d�penses suppl�mentaires, relatives � l�alimentation,
sont signal�es 42. Hormis ces deux faits, le transfert des jeunes
europ�ens s�est d�roul� correctement. Cependant,
l�adh�sion �tait obligatoire et rev�tait un caract�re
grandement autoritaire, ce qui permet de nuancer les propos des autorit�s
au sujet du comportement des jeunes Europ�ens.
Une mobilisation obligatoire
30. Une grande
pression a �t� exerc�e par le gouvernement et les
autorit�s militaires fran�aises. Les jeunes FSE, qui n�avaient
pas �t� appel�s, devaient se pr�senter sous
peine d��tre hors-la-loi. Dans la m�me logique, les autorit�s
militaires se sont engag�es � transf�rer les recrues
qui ne pourraient gu�re se rendre, faute de moyen de transport,
au centre de rassemblement. Les jeunes FSE devaient se pr�senter
au district de transit d�o� ils ont �t� achemin�s
aux camps du Lido, pour Alger et d�Eckm�hl pour Oran. L�accueil
et le transport des appel�s venant dans ces conditions au district
de transit demeuraient � la charge de l�officier sup�rieur,
chef du centre de rassemblement des recrues 43. Une initiative qui t�moigne
non seulement de la rigoureuse organisation de l�op�ration
mais aussi de l�urgence de sa r�alisation.
43 SHD/GR, 1 H 2709, 2 juin 1962.
44 SHD/GR, 1 H 1385, 6 juin 1962.
31. Par ailleurs,
le caract�re autoritaire du plan Simoun s�av�re incontestable
car les jeunes recrues oblig�es de se pr�senter sont escort�es
par des militaires charg�s d�emp�cher toute r�bellion.
En effet, le g�n�ral commandant la zone d�Alger Sahel
a �t� charg� d�assurer la protection contre
toute men�e subversive susceptible de troubler le d�roulement
des op�rations d�appel, en particulier aux abords du district
de transit d�Alger et du camp du Lido, ainsi que pendant le transport
des recrues entre ces deux points et lors de leur d�placement vers
l�a�roport d�embarquement. Concr�tement, ces d�cisions
se traduisent par la pr�sence d�une patrouille blind�e
pour deux camions au maximum et d�un peloton blind� au-del�
de deux camions 44.
45 Cros (V.), Le Temps de la violence, Paris, Presses
de la Cit�, p. 207.
46 Katz (J.), L�honneur d�un g�n�ral, Oran 1962,
Paris, L�Harmattan,p. 238-246.
47 Journal officiel de la R�publique fran�aise, 18 mai 1962,
p. 4869-4870.
32.Enfin,
les autorit�s militaires multiplient les fouilles des jeunes FSE
habitant Alger et Oran, d�j� importantes au mois de mai.
En effet, d�une part, le pr�fet de police d�Alger, Vitalis
Cros, affirme que dans le seul mois de mai, il eut 472 arrestations de
tueurs ou de plastiqueurs et plus de 30 000 armes saisies 45. D�autre
part, le g�n�ral du corps d�arm�e d�Oran,
Joseph Katz, note que du 1er au 13 mai, 1 500 personnes et 300 v�hicules
ont �t� contr�l�s, 500 personnes appr�hend�es,
214 arr�t�es. Tandis que du 15 au 25 mai, plus de 10 000
personnes et plus de 300 v�hicules dans les diff�rents quartiers
de la ville europ�enne ont �t� contr�l�s
ainsi que 300 personnes arr�t�es 46. Aux pr�mices
du mois de juin, l�objectif des autorit�s militaires est de
retrouver les �ventuels retardataires ou d�serteurs. N�anmoins,
le caract�re autoritaire du plan s�exprime, surtout, en Alg�rie.
Selon les autorit�s fran�aises, le plus important �tant
que les jeunes FSE demeurent outre-mer. En effet, nombre d�entre
eux ont d�sert� � leur arriv�e en m�tropole.
En outre, les jeunes FSE sont lib�r�s � partir du
mois d�ao�t. Le troisi�me article de l�ordonnance
stipulait que : � Lorsque les circonstances le permettront, les
jeunes gens titulaires d�un sursis qui auront �t� incorpor�s
en application des articles 1er et 2e ci-dessus pourront b�n�ficier,
dans des conditions d�termin�es par d�cret, d�une
suspension de service afin de reprendre leurs �tudes. � 47
48 Ibid.,7 ao�t 1962, p. 7818.
49 Ibid., 1er juillet 1962, p. 6410.
33.L�ordonnance
no 62-908 du 4 ao�t � relative aux obligations militaires
des jeunes gens de statut civil de droit commun en Alg�rie �
48 est destin�e � appliquer cet article. Elle d�montre,
de nouveau, sans ambages que le plan Simoun �tait un pr�texte,
temporaire, destin� � �loigner la jeunesse FSE de
l�action de l�OAS en Alg�rie. Paradoxalement, �
Alger dans une ville vid�e de sa jeunesse, une session de rattrapage
�tait propos�e aux �tudiants. Le d�cret du
30 juin, �mis par le ministre de l��ducation nationale
Pierre Sudreau, stipulait l�organisation d�une session sp�ciale
d�examens au d�but du mois de novembre 49. � cette
date, le gouvernement fran�ais pensait probablement qu�apr�s
le r�f�rendum les jeunes appel�s anticip�s,
minorit� europ�enne au sein du pays nouvellement ind�pendant,
pourraient terminer leurs �tudes en Alg�rie. N�anmoins,
le plan Simoun devint pour de nombreux appel�s anticip�s
le symbole d�un non-retour.
Un symbole du non-retour ?
34.Plusieurs
jeunes hommes ne sont, effectivement, pas retourn�s en Alg�rie,
leur terre natale, depuis leur transfert outre-mer. Ainsi en t�moigne
le po�me d�un appel� anticip� : � Ce triste
21 juin 1962, le soleil plombe mais tout est flou, mes yeux s�embrument,
les larmes coulent et je ne peux pas lutter. � travers les brumes
de ma vue, l�-bas Oran n�est plus qu�une tache floue.
Oran, Oran de ma jeunesse. � 50 Le plan Simoun est donc �
corr�ler � l�exode des Europ�ens. Cet appel
anticip� est donc devenu un exil anticip�, forc�,
dans un lieu souvent inconnu. En effet, les jeunes FSE ont �t�
d�racin�s, leurs familles ont �t� disloqu�es.
Ils tentent de retrouver leurs proches dont ils n�ont plus de nouvelles
: � Le 14 ao�t 1962 tout le personnel au grand complet fut
r�uni t�t le matin dans l�enceinte majestueuse du 54e
RA. Notre chef de corps nous annon�a alors, sans rire, que nous
pouvions si nous d�sirions rentrer dans nos foyers. Quels foyers
? La plupart d�entre nous n�avait aucune nouvelle de notre famille
�, affirme un t�moin51. Ce dernier, � l�image
de plusieurs jeunes, pr�f�ra terminer son service militaire
avant de rejoindre sa famille dont il r�ussit finalement �
conna�tre la localisation : � Un �change assez compliqu�
m�avait rassur� sur le sort de ma m�re et ma grand-m�re
qui avaient �t� h�berg�es � B�ziers
(...). Ils vivaient, serr�s (�) mais sains et saufs. �
52 Afin de pallier l�arriv�e des rapatri�s, dont la
plupart n�a pas de toit, ni de ressources, des mesures d�accueil
sont mises en �uvre.
50 T�moignage de monsieur Ren� Mancho.
51 T�moignage de monsieur Ange Gilbert Caramante.
52 Ibid.
35.La cr�ation
d�un secr�tariat d��tat aux Rapatri�s,
le 24 ao�t 1961, confi� � Robert Boulin, est destin�e
� conduire les op�rations de rapatriement. Une allocation
mensuelle de subsistance est accord�e pour un an aux rapatri�s,
en attendant leur reclassement professionnel. En 1967, la cat�gorie
� rapatri�s � dispara�t des statistiques de demandeurs
d�emplois, ce qui r�v�le leur int�gration �conomique.
Les plus jeunes recrues concern�es par le plan Simoun, �g�es
de 19 ans en 1962, ont � cette date 24 ans.
53 Pieds noirs magazine, op.cit., p. 32-33.
36. Subsistent
encore les blessures d�ordre psychologique et m�moriel, pour
ces anciennes recrues dont on tait l�appel anticip�. Le t�moignage
d�un appel�, un sursitaire �g� de 20 ans, dont
le sursis fut r�sili�, est empreint d�amertume : �
Alors, question : combien de jeunes gens ont �t� touch�s
par ce qu�il faut appeler une rafle ? Et pourquoi les historiens
sont si peu bavards � ce sujet ? � 53 Cette r�flexion
pose le probl�me constant de la m�moire dans la th�matique
de la guerre d�Alg�rie, une guerre qui n�a �t�
reconnue que tr�s r�cemment. De fait, ce n�est que
le 10 juin 1999 que l�Assembl�e nationale adopte une loi qui
substitue l�expression de � guerre d�Alg�rie ��
celle� d�op�rations de maintien de l�ordre �.
Notes
1 Lib�ration, 12-13 mai 1962, p. 3.
2 Le Monde, 24 mai 1962, p. 5.
3 Nous reprenons la th�se du journaliste Jean-Claude
Vajou, Combat, 12-13 mai 1962, p. 1.
4 Les quatre autres mesures de l�� op�ration
Fouchet �annoncent, notamment, la pr�sence de gendarmes mobiles
dans les commissariats, le recrutement de policiers musulmans �
auxiliaires temporaires occasionnels � au nombre de 1 200 �
1 500, ainsi que la r�vocation de fonctionnaires, l�expulsion
de 50 Alg�rois et l�internement de personnalit�s oranaises.
Elles sont destin�es � miner de l�int�rieur
l�OAS en lui �tant une partie de ses recrues, ralli�es
de gr� ou de force. Lib�ration, 13 mai 1962, p. 3.
5 Ce d�cret concerne la composition, les dates
d�appel et les obligations d�activit� des premier et
deuxi�me contingents de 1962. Journal officiel de la R�publique
fran�aise, 3 d�cembre 1961, p. 1110.
6 Verd�s-Leroux (J.), Les Fran�ais d�Alg�rie
de 1830 � aujourd�hui. Une page d�histoire d�chir�e,
Paris, Fayard, p. 363.
7 Monneret (J.), La phase finale de la guerre d�Alg�rie,
Paris, L�Harmattan, p. 19.
8 Ibid., p. 118.
9 Duranton-Cabrol (A. M.), Le Temps de l�OAS, Bruxelles,
�ditions Complexe, p. 216.
10 La D�p�che d�Alg�rie, 17 mai
1962, p. 1.
11 Journal officiel de la R�publique fran�aise,
18 mai 1962, p. 4869-4870.
12 T�moignage de monsieur Ren� Mancho. Ceci
est un extrait de son blog : http://oran1954.over-blog.com
13 T�moignage de monsieur Bernard Venis. Ceci est
un extrait de son blog : www.alger-roi.net
14 Le Monde, 27-28 mai 1962, p. 3.
15 SHD/GR, 1 H 1736, dossier 2, �mission pirate
de l�OAS, diffus�e entre 19h40 et 19h58, le 22 mai 1962.
16 SHD/GR, 1 H 1736, dossier 2, �mission pirate
de l�OAS, diffus�e entre 19h56 et 20h15, le 2 juin 1962.
17 Journal officiel de la R�publique fran�aise,
3 juillet 1962, p. 2179.
18 Le Monde, 6 juin 1962, p. 2.
19 SHD/GR, 1 H 1385, 10 mai 1962.
20 SHD/GR, 1 H 1385, 26 mai 1962.
21 SHD/GR, 1 H 1385, 24 mai 1962.
22 SHD/GR, 1 H 1385, 24 mai 1962.
23 SHD/GR, 1 H 1385, 2 juin 1962.
24 Pieds-noirs magazine, n� 21, d�cembre 1991,
Pons (Cagnes), p. 32.
25 SHD/GR, 1 H 1385, 1er juin 1962.
26 SHD/GR, 1 H 1385, 30 mai 1962.
27 SHD/GR, 1 H 1385, 24 mai 1962.
28 Le Monde, 23 mai 1962, p. 7.
29 T�moignage de monsieur Bernard Venis, op.cit.
30 SHD/GR, 1 H 1385, 27 juin 1962.
31 SHD/GR, 1 H 2709, 19 juin 1962.
32 SHD/GR, 1 H 2709, 19 juin 1962.
33 Ibid., 27 juin 1962.
34 SHD/GR, 1 H 1385, 30 mai 1962.
35 T�moignage de monsieur Gilbert-Ange Caramante
extrait du site suivant : www.cerclealgerianiste.asso.fr.
36 La D�p�che d�Alg�rie, 8 juin
1962, p. 1.
37 SHD/GR, 1 H 1385, 2 juillet 1962.
38 Nous avons effectu� le calcul suivant : 2 313
(recrues incorpor�es en m�tropole) + 67 (recrues dirig�es
vers Mers el-K�bir) = 2 380 recrues.
39 SHD/GR, 1 H 1385, 2 juin 1962.
40 T�moignage de monsieur Ren� Mancho.
41 SHD/GR, 1 H 1385, 7 juin 1962.
42 SHD/GR, 1 H 1385, 22 juin 1962.
43 SHD/GR, 1 H 2709, 2 juin 1962.
44 SHD/GR, 1 H 1385, 6 juin 1962.
45 Cros (V.), Le Temps de la violence, Paris, Presses
de la Cit�, p. 207.
46 Katz (J.), L�honneur d�un g�n�ral,
Oran 1962, Paris, L�Harmattan,p. 238-246.
47 Journal officiel de la R�publique fran�aise,
18 mai 1962, p. 4869-4870.
48 Ibid.,7 ao�t 1962, p. 7818.
49 Ibid., 1er juillet 1962, p. 6410.
50 T�moignage de monsieur Ren� Mancho.
51 T�moignage de monsieur Ange Gilbert Caramante.
52 Ibid.
53 Pieds noirs magazine, op.cit., p. 32-33.
Pour citer cet article
R�f�rence �lectronique
Soraya Laribi , � Le plan Simoun ou la mobilisation anticip�e
des conscrits europ�ens d�Alg�rie en juin 1962 �,
Revue historique des arm�es, 269 | 2012, [En ligne], mis en ligne
le 23 novembre 2012. URL : http://rha.revues.org/index7584.html. Consult�
le 07 d�cembre 2012.
Auteur
Soraya Laribi
Actuellement professeur certifi�e, elle pr�pare un doctorat
� l�universit� Paris IV-Sorbonne sous la direction
du professeur Jacques Fr�meaux. Son m�moire de master 1,
portant sur le plan Simoun, a remport� le � Prix universitaire
du Cercle alg�rianiste � en 2009.
Articles du m�me auteur
Le plan Carrousel [Texte int�gral]
Mesures � prendre en cas de rupture du cessez-le-feu par l�ALN
dans le Nord-Constantinois (juin-juillet 1962)
Paru dans Revue historique des arm�es, 268 | 2012
Droits d'auteur
� Revue historique des arm�es
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